La suite de l’histoire 4/8

17 février 1987
Val Royal ouvrira deux autres Brico et prépare l’acquisition d’une mini-chaîne en rénovation

Une intrigante nouvelle économique du passé, cueillie dans les anciennes pages de La Presse

Comment l’histoire s’est-elle terminée ?

L’article

Ça, c’était le titre.

La première ligne de l’article précise : « Val Royal ouvrira deux Brico Centre et prépare l’acquisition d’une mini-chaîne de centres de rénovation. »

On se répète, quoi.

Heureusement, le lecteur en apprend davantage dans les paragraphes qui suivent.

Le président de Val Royal Pierre Michaud y explique qu’il implantera un troisième Brico dans l’est de Montréal, et un quatrième dans l’ouest de l’île.

Les magasins Brico Centre, les premiers « supermarchés de la décorénovation », comme on les appelle, ont été créés deux ans auparavant en partenariat avec Provigo.

Val Royal étendra cette nouvelle génération de magasins avec l’acquisition de la chaîne susmentionnée, dont « le président doit signer en mai ou juin le contrat d’acquisition ».

On ne le sait pas encore, mais ce projet prépare l’apparition d’un concept révolutionnaire sur le marché canadien.

Les origines

Val Royal trouve son origine dans le commerce de matériaux de construction que Paul-Hervé Desrosiers ouvre en 1933 au coin des rues Jean-Talon et Waverly, sous le nom aucunement évocateur de LaSalle Builders Supply.

Au cours des 30 années suivantes, il créera un petit conglomérat de la construction et de la rénovation auquel il donnera le nom de Val Royal.

Lorsque l’homme d’affaires meurt en 1969, ses neveux Pierre et Claude Michaud héritent de l’entreprise, qui réalise alors un modeste chiffre d’affaires de 8 millions de dollars.

Le mystère de la mini-chaîne s’éclaircit le 16 mai 1987, quand on apprend que Val Royal acquiert les huit centres de rénovation Le Castor bricoleur du Québec pour 10,7 millions.

Le Castor bricoleur ? Le nom évoque davantage un totem scout qu’un commerce de rénovation. Il faut savoir que c’est l’adaptation de son pendant canadien, Beaver Lumber.

Curieusement, c’est une filiale de Molson qui l’avait acquise en 1971 dans une tentative de diversification qui associait sans doute bière et bricoleur du samedi.

Val Royal

Chiffre d’affaires

1969 : 8 millions

1986 : 48 millions

1987 : 116 millions

Voici Réno-Dépôt

La nouvelle frappe comme un coup de marteau.

En mai 1992, Val Royal annonce qu’elle veut lancer un nouveau concept de magasin-entrepôt de rénovation en partenariat avec une filiale de Molson, Aikenhead.

Le nom et le principe s’inspirent du géant américain Home Depot, dont le concept a été lancé 11 ans plus tôt. Il s’agit de combiner la quincaillerie grande surface et le centre de matériaux de construction – couramment appelé cour à bois – en un même (gigantesque) lieu.

Pierre Michaud, qui avait suivi avec grand intérêt l’aventure américaine, y songeait depuis plusieurs années. Il avait refilé l’idée à son partenaire Molson, qui a lancé en 1992 une formule assez semblable, les Aikenhead’s Home Improvement Warehouse.

Haut de plafond

Le premier Réno-Dépôt est inauguré à Brossard le 31 mars 1993.

Il s’étend sur 126 000 pi2 (11 700 m2), plus de deux fois la superficie d’un Brico standard.

Le plafond des nouveaux magasins s’élèvera à 24 pi (7,3 m), soit 10 pi (3 m) de plus qu’un Brico, ce qui procurera l’espace nécessaire pour entreposer les boîtes et palettes dans le magasin.

Pour réduire les coûts, la nouvelle chaîne s’approvisionnera directement chez les fabricants, sans intermédiaires, et s’il le faut aux États-Unis – avis aux entreprises canadiennes !

Les huit magasins Brico Centre, trop petits pour la nouvelle formule, seront progressivement fermés.

Pour sa nouvelle chaîne, Val Royal lance une campagne de publicité mémorable mettant en vedette Normand Brathwaite, qui restera son porte-parole pendant 20 ans.

Mais Réno-Dépôt ne restera pas longtemps sans concurrent.

La réaction

Le 10 janvier 1994, le Groupe Ro-Na Dismat annonce qu’il ouvrira 10 centres de rénovation de type entrepôt au cours des trois années suivantes.

« Home Depot paraît l’ennemi le plus dangereux, lit-on le lendemain dans La Presse. Cette chaîne de centres de rénovation de grande surface connaît un énorme succès aux États-Unis, et Ro-Na Dismat, tout comme Val Royal, ne serait pas étonné que la société lorgne maintenant le Canada pour poursuivre son expansion. »

La crainte se concrétise à peine trois semaines plus tard.

Le 8 février 1994, le géant américain annonce qu’elle achète à Molson 75 % de sa chaîne de magasins-entrepôts Aikenhead’s, qui affichera désormais l’enseigne orange.

Val Royal ne compte alors que deux magasins Réno-Dépôt au Québec. Deux autres s’y ajoutent durant l’année 1994. Pour marquer sa transformation, Val Royal adopte d’ailleurs le nom de sa chaîne en 1995.

La fin de l’histoire

Réno-Dépôt, l’ancien Val Royal, suit ensuite un parcours plus tordu qu’une plomberie résidentielle.

En 1997, le groupe passe aux mains de la française Castorama, elle-même acquise l’année suivante par le géant du bricolage britannique Kingfisher plc.

Renversement de situation : le 23 avril 2003, Rona rachète à Kingfisher sa filiale canadienne Réno-Dépôt pour 371 millions.

Rona est à son tour gobée par l’américaine Lowe’s en février 2016 pour la bagatelle de 3,2 milliards.

Étonnamment, l’enseigne Réno-Dépôt créée par Pierre Michaud a survécu à tous ces aléas. En 2014, Rona avait expliqué qu’elle allait redonner à ses 16 magasins Réno-Dépôt son style d’entrepôt des origines. Après avoir acquis Rona, Lowe’s a elle aussi décidé de conserver l’enseigne Réno-Dépôt.

Le 10 mai dernier, Lowe’s a inauguré son 23e magasin-entrepôt Réno-Dépôt à Charlemagne – un ancien RONA L’entrepôt.

Réno-Dépôt en 2003 après son rachat par Rona

Réno-Dépôt au Québec : 14 magasins

The Building Box en Ontario : 6 magasins

Magasins-entrepôts Lowe’s en 2018

Réno-Dépôt : 23, dont 21 au Québec

RONA L’entrepôt et RONA Home & Garden : 35, dont 16 au Québec

Lowe’s : 65, aucun au Québec

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